La Tour de Mutte, accolée à la cathédrale Saint-Etienne de Metz, est, depuis la fin du Moyen Age, le beffroi de la ville. Elle a subi une succession complexe de campagnes de construction et de restauration. Si la base de la tour date du XIIIe siècle, la salle de la cloche, d'abord édifiée en bois en 1381, a été reconstruite en pierre entre 1478 et 1482. La flèche est quant à elle datée du XVIe siècle. Divers incidents ont par la suite causé de nombreux dommages à sa structure, nécessitant de fréquentes consolidations, à l'occasion desquelles un grand nombre d'armatures métalliques ont été mises en œuvre. Les restaurations en cours ont permis d'avoir accès à un corpus de près de 400 crampons et tirants de fer associées à autant de scellement de plomb.
La densité de ces éléments sur l'édifice a suscité une réflexion sur l'emploi du métal à l'occasion des phases initiales de construction et des campagnes de restauration. L'objectif de cette étude en cours est ainsi d'élaborer une méthodologie adaptée à une démarche prospective quant à l'attribution des armatures métalliques à un groupe donné de mise en œuvre. Il s'agirait ainsi de distinguer les éléments originels, employés à l'occasion de l'édification des différents niveaux de la tour, des apports de consolidation, plus récents ; et éventuellement de distinguer les différentes phases de restauration.
Deux approches complémentaires ont été envisagées en ce sens. La première consiste à mesurer la disposition et la morphologie des armatures métalliques. En effet, la régularité apparente du schéma de mise en œuvre d'une partie des éléments tend à mettre les groupes concernés en relation avec des phases d'édification, alors que des ensembles à la disposition erratique auraient servi à la consolidation de parties altérées de l'édifice. La seconde consiste à caractériser les matériaux (fer et plomb) par le biais de leur composition en éléments traces, par le biais de méthodologies développées au sein de l'IRAMAT.
Afin de pouvoir confronter les différents types d'informations recueillies (disposition sur le bâtiment, caractéristiques morphologiques et chimiques) sur le corpus étudié, une base de données a été constituée, et importée dans un SIG appliqué au bâtiment.
Les premiers résultats obtenus laissent entrevoir une bonne adéquation des différents critères considérés, et plusieurs ensembles ont pu être définis, majoritairement en fonction des critères chimiques du plomb de scellement. Il a ainsi été possible d'identifier un certain nombre d'éléments ferreux originels, dont la région sidérurgique de production a pu être par ailleurs définie.
L'ampleur de l'utilisation du métal dans la construction et la consolidation de ce bâtiment nous offre ainsi la possibilité de restituer des pans importants de son histoire. Les travaux futurs permettront également d'affiner la perception de l'approvisionnement en métaux des chantiers successifs, et éventuellement d'identifier les centres de production métallurgique liés à ces derniers.